« Ma thèse en 180 secondes » : l’Afrique à l’honneur de la finale internationale

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A Dakar, la Malgache Tantely Andriamampianina a reçu le deuxième prix du concours universitaire et la Sénégalaise Catherine Penda Mbaye le prix du public.

Rouge des fauteuils, bleus, jaunes, roses, verts, dorés des moussors (foulards) et des tenues de gala. Les Sénégalais, les délégations de 18 pays francophones et un public venu nombreux s’étaient mis sur leur trente et un pour une finale internationale de « Ma thèse en 180 secondes » (MT180) haute en couleurs, jeudi 26 septembre à Dakar.

Pour la première fois depuis sa création en 2014, l’ultime étape de la compétition universitaire s’est déroulée dans un pays d’Afrique subsaharienne. Après Montréal, Paris, Rabat, Liège et Lausanne, c’est dans la salle de 1 800 places du Grand Théâtre de la capitale sénégalaise que les finalistes ont exposé en français, à un public profane, l’essentiel vulgarisé de leur travail de thèse.

Le jury de l’édition 2019, composé d’universitaires émérites et de journalistes, a décerné le premier prix à la Belge Natacha Delrez, le deuxième à la Malgache Tantely Andriamampianina, le troisième au Français Tom Mébarki. La Sénégalaise Catherine Penda Mbaye, qui « jouai[t] à domicile », comme elle s’amuse à le dire,a été récompensée par le prix du public.

« Faire sortir la recherche de son mutisme »

Immunologie, pharmacologie, musicologie ou management, les chercheurs lauréats ont su charmer, captiver et instruire leur auditoire en décryptant respectivement la vie « de l’anguille, du virus et de la luciole », le potentiel anti-inflammatoire d’une plante malgache endémique au nom presque imprononçable (Cladogelonium madagascariense), les points communs entre les tubes de Lady Gaga et ceux de Rossini, compositeur italien du XIXe siècle, et « la modélisation des processus de pilotage dans les organisations culturelles ».

Venus de France, du Québec, du Liban, du Burkina, du Bénin, de Bulgarie, de Madagascar, de Côte d’Ivoire, du Maroc, de Suisse, du Sénégal, de République démocratique du Congo (RDC), de Roumanie, de Tunisie, du Gabon, d’Egypte, du Cameroun et de Belgique, les doctorants ont eu trois minutes, top chrono, pour rendre intelligible leur sujet, généralement très pointu, avec l’appui d’une seule photo projetée sur un écran géant.

Les quatre doctorants lauréats de la finale internationale de « Ma thèse en 180 secondes » à Dakar, le 26 septembre 2019.
Les quatre doctorants lauréats de la finale internationale de « Ma thèse en 180 secondes » à Dakar, le 26 septembre 2019. AUF

« C’est la science qui va à la rencontre de la société », résume le Sénégalais Michel Namar, responsable du campus numérique à l’Agence universitaire de la Francophonie du Sénégal, organisateur de l’événement. « C’est l’opportunité unique de partager avec le grand public un projet qui nous passionne », explique la lauréate belge Natacha Delrez. « L’idée de MT180, c’est faire sortir la recherche de son mutisme, analyse de son côté Tom Mébarki. La recherche se fait à l’écrit. Le fait de l’oraliser, de la rendre publique, c’est la rencontre de deux inattendus qui fait quelque chose de très différent et d’unique. »

C’est aussi l’occasion de se rencontrer entre scientifiques, d’échanger et de prendre des contacts « pour assurer la continuité de ses recherches et, peut-être, attirer l’attention sur un projet de post-doctorat », explique Tantely Andriamampianina, 32 ans, qui a soutenu sa thèse en 2018 et poursuit ses travaux en tant qu’enseignante-chercheuse à l’université d’Antananarivo.

Bagout et sens de l’humour pour la thèse

Ce n’est pas la première fois que l’Afrique est récompensée pour la qualité de ses doctorants. En 2018, la Burkinabée Geneviève Zabré avait remporté le premier prix avec sa thèse sur l’« utilisation des plantes médicinales dans la lutte contre le méthane émis par les ruminants : cas des ovins », réussissant la prouesse d’emporter l’adhésion des spectateurs avec un décryptage du transit intestinal des moutons. En 2017, la Béninoise Marielle Yasmine Agbahoungbata avait raflé, avec un humour rafraîchissant, le premier prix du jury avec l’« élaboration de matériaux photocatalyseurs à base d’oxyde de titane pour l’élimination des micropolluants organiques en milieu aqueux », autrement dit le traitement des eaux usées.

En 2018 et 2019, sur 18 candidats finalistes des concours nationaux qui prétendaient au titre international, 11 venaient d’Afrique. Si les jeunes du continent sont nombreux à concourir pour le MT180, c’est tout simplement qu’ils sont les plus nombreux à porter la langue française au sein de la Francophonie. L’Afrique à elle seule compte 59 % des francophones dans le monde, contre 33 % pour l’Europe, si l’on considère les locuteurs quotidiens du français. Ce ratio est parfaitement respecté dans la proportion de jeunes thésards africains qui se retrouvent en finale internationale de MT180.

L’exercice n’est pas facile tant il faut avoir appris l’art de la synthèse, celui de l’éloquence et celui de la présence. Car c’est une chose de posséder son sujet à fond dans son laboratoire, c’en est une autre de le rendre limpide et de l’exposer seul en scène. Les doctorants l’ont bien compris, qui recourent souvent à l’analogie avec le quotidien et à l’humour pour toucher juste. Mention spéciale au finaliste marocain, Annan Azzedine, qui compare les résistances primaires du VIH aux antirétroviraux à la relation amoureuse et attaque son exposé en chantant une strophe du tube de Pierre Bachelet, Et moi je suis tombé en esclavage. Ou à la jeune Béninoise Jeanne Tétédé Adékèmi Agnila, qui propose une tasse de thé, du beurre et une paire de ciseaux pour que les démocraties africaines ne tournent pas en démocratures.

Pour le reste, les concours nationaux qui sélectionnent les finalistes servent de phase d’entraînement et l’organisation met à leur disposition des coachs qui leur apprennent l’aisance sur scène. Pour Catherine Penda Mbaye, qui a commencé sa thèse en 2018 et devra la soutenir en 2020, l’exercice a même permis de « circonscrire mon sujet et de dégager les étapes clés du travail qui est encore devant moi. Le coach m’a fait travailler l’art oratoire, mais cela m’aide aussi à défendre un thème de recherche atypique ».

« Débouchés concrets »

Pour les lauréats du continent africain, les dotations associées aux prix, qui s’échelonnent de 700 à 1 500 euros, peuvent s’avérer précieuses.

Tantely Andriamampianina, dont les recherches ont permis d’isoler une nouvelle molécule anti-inflammatoire dépourvue d’effets secondaires, espère que son prix lui permettra d’attirer l’attention de bailleurs de fonds pour développer un médicament à partir deCladogelonium madagascariense, plante endémique de la Grande Ile. « C’est un nouvel élan pour mes travaux et la dotation va m’aider à financer de nouvelles publications, à participer à des colloques internationaux. Au-delà de ma personne, ce prix est une fierté pour Madagascar et un encouragement pour le gouvernement de mon pays à transformer le travail de ses chercheurs en débouchés concrets. Car trop de résultats de recherches se perdent », explique-t-elle.

Catherine Penda Mbaye, qui espère pouvoir développer un modèle de management « soutenable » capable de faire progresser la gestion des entreprises culturelles du Sénégal, trop peu rentables à son goût, va pouvoir « partir sur le terrain pour effectuer des études de cas ». La finale de Dakar a aussi fourni à la Sénégalaise de 28 ans l’occasion d’échanger sur ce sujet sensible avec le ministre de l’enseignement et celui de la culture, présents pour l’événement, qui ont d’ores et déjà promis leur aide à la doctorante. L’enthousiasme du public dakarois lui a assurément décerné le prix du cœur.

Source: Le Monde

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